Journée doctorale organisée avec le soutien du CREPHAC : « L'esthétique dans tous ses états »

Le 19 avril 2022
De 09h30 à 17h30
Salle de conférence de la MISHA, 5 allée du Général Rouvillois, Strasbourg

Présentation


Sous les deux visages classiques de l’art poétique et de la critique d’art, l’esthétique s’est avant tout donnée comme objet l’oeuvre d’art, avec pour tâche la clarification, la codification et l’éducation de sa production et du jugement porté sur elle. Lorsque Baumgarten fonde l’esthétique en tant que discipline, le choix d’objet qu’il formule pour  ces « belles sciences » n’est déjà plus si évident : l’esthétique devient science non de l’oeuvre d’art, mais science de ce qui émeut, et qui relève dès lors de la « connaissance sensible ». Ainsi l’esthétique devient-elle science des beaux-arts, mais aussi de l’harmonie perceptible dans les spectacles offerts par la Nature, ce dont se souviendra Kant. Cette première extension du domaine d’objets de l’esthétique inaugure une dynamique qui se poursuivra de façon quasiexponentielle jusqu’à l’époque contemporaine.
D’abord en vertu d’un mouvement interne au monde de l’art lui-même, qui remet progressivement en question non seulement les critères de jugement esthétique classiquement admis, mais jusqu’aux contours et à la définition de l’oeuvre d’art elle-même. Le sacrilège duchampien du ready-made trouve rapidement des apôtres prêts à pousser toujours plus loin la déconstruction de l’oeuvre d’art. Les happenings d’Alan Kaprow, les jeux conceptuels de Kosuth, les expérimentation corporelles d’Orlan, la galerie vide de Cattelan sont autant de jalons marquants sur une trajectoire continuée d’éclatement de l’objet esthétique.

D’un autre côté, le brouillage toujours plus grand entre oeuvres d’arts et objets de design, entre art et arts appliqués, a contribué au double mouvement d’une esthétisation globale de l’existence et d’une disparition d’un art se présentant désormais à « l’état gazeux », selon l’expression d’Yves Michaud. Omniprésents mais insaisissables, infiniment gradués dans leur distribution, mais sans seuils clairement définis qui permettraient de les distinguer et de les classer, les objets d’appréciation esthétique semblent opposer à la raison une prolifération de fait, qui devance toujours ses théories les plus audacieuses. Et l’individu lambda, devenant par la force des choses spectateur se trouve non seulement requis en permanence par les images et les expériences esthétiques qui s’imposent sans cesse à lui, mais également sommé d’acquérir une culture et une faculté d’analyse qui sont loin d’aller de soi.

Enfin, c’est en dehors du champ artistique proprement dit que l’on peut voir surgir l’expérience esthétique à des endroits où on ne l’attendait guère. En effet, tout champ de l’activité humaine, à condition qu’il ait acquis un degré de développement, d’expertise et de complexité suffisant, semble pouvoir prétendre à une dignité esthétique sujette au consensus des spécialistes. Qu’il s’agisse de démonstrations mathématiques, de code informatique, de jeu vidéo, de gastronomie, l’esthétique se voit chaque fois sommée de rendre raison d’une expérience réelle des acteurs qui ne serait réductible ni à l’efficacité ni à l’exactitude.

L’objectif de cette journée doctorale sera de fournir des éclairages sur ces visages insoupçonnés
ou moins connus de l’esthétique, qu’il s’agisse d’en appréhender des objets nouveaux, ou de réinvestir ses classiques. Les agrégatifs devraient pouvoir y trouver des matériaux inédits ou des cas-limites pour nourrir leur leçon, et les doctorant.e.s l’occasion de découvrir à leurs recherches respectives un dénominateur commun peut être inattendu. Quant aux étudiant.e.s, ils devraient trouver là une preuve par l’exemple, s’il est besoin, de la vivacité et de la nécessité de la pensée philosophique pour appréhender et problématiser les incessantes nouveautés de l’expérience.

 

Affiche