CM Éthique et politique

CM Éthique et politique
Licence HumanitésParcours Humanités

Catalogue2025-2026

Description

L’aliénation

La notion d’aliénation trouve ses origines dans la théorie politique et philosophique des XVIIe et XVIIIe siècles, mais surtout dans les œuvres de Hegel au XIXe siècle, puis dans les usages qu’en font Feuerbach et Marx ainsi que leurs nombreux héritiers directs ou indirects. Elle devient ensuite, au XXe siècle, un outil majeur de la pensée critique, en tant que catégorie permettant de penser les aspects négatifs de notre existence sur de nombreux plans : psychologique, social, éthique et politique. Elle permet en effet de désigner une expérience – ou l’état qui résulte de l’expérience – par laquelle quelque chose qui nous est propre (une activité, le produit de notre activité, une dimension de nous-mêmes comme individu ou comme représentant du genre humain) devient étranger à nous, et dans certaines conditions, se retourne contre nous en exerçant une contrainte extérieure sur nous-mêmes, causant ainsi un sentiment négatif (sentiment de privation, dépossession, impuissance, souffrance). Dotée d’une très grande puissance critique, cette notion a été introduite et discutée dans de nombreuses disciplines (philosophie, économie, psychologie, sociologie, etc.) et a nourri une réflexion symétrique sur les conditions et les voies d’une sortie de l’aliénation qui a elle-même pu prendre différentes formes (luttes pour l’émancipation, pour l’indépendance, pour la reconnaissance, etc.).

Mais elle a aussi été l’objet de nombreuses critiques : d’une part, elle serait chargée de présupposés métaphysiques ou anthropologiques discutables et effectivement contestés (thèse de l’existence d’une essence humaine anhistorique, conception simpliste de l’identité individuelle qui l’oppose à une altérité extérieure et dangereuse, etc.) ; d’autre part, elle serait trop abstraite et large pour permettre de saisir les expériences humaines dans toute leur diversité et leur complexité. Autant de raisons qui justifieraient de la laisser de côté pour lui préférer d’autres catégories, comme par exemple celles d’exploitation, de réification, d’oppression, de souffrance ou d’appauvrissement de l’expérience.

Ce cours proposera une triple approche de la notion d’aliénation : il retracera l’histoire de cette notion depuis la philosophie hégélienne jusqu’à la philosophie française de la seconde moitié du XXe siècle, en se concentrant sur certaines figures de la philosophie germanophone (Hegel, Feuerbach, Marx, Lukács) puis française (Beauvoir, Sartre, Althusser, Foucault) ; il la situera par rapport à d’autres grandes notions proches en restituant les enjeux de leur distinction (exploitation, réification, oppression) ; et enfin, il présentera différentes tentatives d’actualiser ce concept capables d’intégrer les grandes critiques dont il a fait l’objet.

Le CM sera commun aux L2 Humanités et aux L2 de philosophie. Le TD destiné aux Humanités, assuré par M. Daudey, abordera le thème de l’aliénation à partir de l’œuvre du philosophe Cornelius Castoriadis. Le TD destiné aux L2 de philosophie sera assuré par Mme Bouffard et consistera dans l’étude de textes complémentaires portant sur la notion d’aliénation, avec la possibilité de présenter des exposés collectifs en classe (une liste de sujets accompagnés de conseils de lecture précis sera distribuée en début de semestre).

Bibliographie

Althusser Louis, Pour Marx, Paris, Maspero, 1967. Voir en priorité le texte V, « Les ‘‘Manuscrits de 1844’’ de Karl Marx », p. 155-160.

Beauvoir Simone (de), Le deuxième sexe, 2 vol. Paris, Gallimard, 1976 [1949].

Feuerbach Ludwig, L’Essence du christianisme, trad. Jean-Pierre Osier, Paris, Gallimard, 1968. Voir l’Introduction, p. 115-150.

Fischbach Franck, Sans objet. Capitalisme, subjectivité, aliénation, Paris, Vrin, 2009. Voir dans la partie II, le chapitre 2, p. 129-149.

Foucault Michel, Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard, 1972. Voir dans la troisième partie, le chapitre V sur « Le cercle anthropologique », p. 530-557.

Haber Stéphane, L’aliénation ; vie sociale et expérience de la dépossession, Paris, PUF, 2007.

Hegel Georg Wilhelm Friedrich, Phénoménologie de l’esprit, trad. Jean-Pierre Lefebvre, Paris, Flammarion, 2012. Voir dans le chapitre IV (La vérité de la certitude de soi), le point B, p. 205-227.

Lukács Georg, Histoire et conscience de classe, trad. Kostas Axelos et Jacqueline Bois, Paris, Les Éditions de Minuit, 1960. Voir le chapitre central sur « La réification et la conscience du prolétariat », en priorité le point I « Le phénomène de la réification », p. 110-140.

Lyotard Jean-François, « L’aliénation », Chimères. Revue des schizoanalyses, année 1998, n°34, p. 133-139 (l’article est accessible sur le site Persée).

Marx Karl, Manuscrits économico-philosophiques de 1844, trad. Franck Fischbach, Paris, Vrin, 2007. Voir le « Premier cahier », en particulier le point sur « Travail aliéné et propriété privée », p. 116-130.

Marx Karl, Le Capital, livre i, trad. Jean-Pierre Lefebvre (dir.), Paris, Les Éditions sociales, 2016. Voir en particulier dans la section i, le chapitre 1, le point 4 consacré au « caractère fétiche de la marchandise et son secret », p. 73-84.

Sartre Jean-Paul, Cahiers pour une morale (1947-1948), Paris, Gallimard, 1983. Voir, dans le cahier 1, le point 4, p. 353-398.

Sartre Jean-Paul, L’Être et le Néant, Paris, Gallimard, 2013 [1943]. Voir dans la troisième partie, premier chapitre (« L’existence d’autrui »), le point IV sur « Le regard », p. 292-341.

Compétences visées

Au terme de cette formation, l’étudiant est capable de mobiliser les outils conceptuels et théoriques pour se questionner sur des situations et des problématiques qui concernent l’existence individuelle et la vie des sociétés.

 

Bibliographie

Bibliographie

-        Montesquieu, De l’esprit des lois, Paris, Flammarion, 1979.

-        Hegel Georg Wilhelm Friedrich, Principes de la philosophie du droit (1821), trad. J.-F. Kervégan, Paris, PUF, 2013.

-        Marx Karl, Le Capital, livre 1, trad. J.-P. Lefebvre (dir.), Paris, Les Éditions sociales, 2018.

-        Weber Max, Concept fondamentaux de sociologie, op. cit., « Concepts fondamentaux de sociologie » (1920).

-        Durkheim Émile, Les Règles de la méthode sociologique, Paris, PUF, 1997 [1937].

-        Dewey John, Nature humaine et conduite, trad. B. Rougé, Paris, Gallimard.

-        Castoriadis Cornelius, L’institution imaginaire de la société, Paris, Seuil, 1975.

-        Berger Peter et Luckmann Thomas, La Construction sociale de la réalité, trad. P. Taminiaux revue par D. Martuccelli, Paris, Armand Colin, 2018 [1997].

-        Bourdieu Pierre, Le Sens pratique, Paris, Éditions de Minuit, 1980.

-        Djordjevic Élodie, Tortorella Sabina, Unger Mathilde, Les Équivoques de l’institution. Normes, individu et pouvoir, Paris, Classiques Garnier, 2021.

-        Douglas Mary, Comment pensent les institutions ?, suivi de « La connaissance de soi » et « il n’y a pas de don gratuit », trad. A. Abeillé, Paris, La Découverte, 2004.

Contacts

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