Ce séminaire organisé par Monsieur Jacob Rogozinski aura lieu de 10h à 12h les vendredis 26 septembre, 10 et 24 octobre, 7 et 21 novembre 2025 en salle 007, faculté de philosophie.
La participation à l'ensemble des séances peut être validée comme une journée d'études dans le cadre des stages en équipe de recherche.
Crise de la démocratie ?
La plupart des pays démocratiques sont confrontés actuellement à une profonde crise politique. Elle se traduit notamment par la montée en puissance et l'arrivée au pouvoir de nouveaux mouvements qui s'en prennent à l'État de droit, aux migrants et aux immigrés, et à ce qu'ils stigmatisent comme le "wokisme". En désignant des "ennemis intérieurs", ils provoquent une extrême polarisation du champ politique. Leurs adversaires les dénoncent souvent comme "fascistes". Toutefois, à la différence des partis fascistes du XX° siècle, ils ne cherchent pas à détruire la démocratie, mais prétendent lutter pour une démocratie plus authentique qui exprimerait réellement la "volonté du peuple". S'agit-il d'une crise passagère ? Ou bien d'une contradiction fondamentale de ce régime qui prétend être le pouvoir du peuple alors qu'il en confie l'exercice effectif à ses "représentants" ? Est-ce cela qui condamne la démocratie, depuis les révolutions des temps modernes, à une "crise" interminable ?
Il convient de définir ce type de mouvements et de régimes. On les qualifie souvent de "populistes". Cette notion n'est-elle pas trop extensive et inconsistante ? Les critiques dont le "populisme" fait l'objet n'expriment-elles pas en fait une défiance envers la démocratie ? Le terme de "totalitarisme" serait-il plus adéquat pour les désigner ? Nous devons alors examiner les différentes analyses qui l'ont pris pour objet. Selon Lefort, le totalitarisme s'oppose à la désincorporation qui caractérise la démocratie en s'efforçant de réincorporer la société sous la forme d'un corps collectif, d'un Peuple-Un fusionnant avec l'État et son Chef. Cette théorie permet-elle de comprendre le phénomène auquel nous sommes confrontés aujourd'hui ? N'avons-nous pas affaire à une réincorporation partielle, inachevée, qui ne reproduirait que certains traits du totalitarisme historique ? Cela autorise-t-il à parler de néo- ou de post-totalitarisme ?
Il faut se demander si cette hypothèse permet de mieux comprendre certains aspects de ces mouvements : leur xénophobie et leur rejet des migrants, leur sujétion à des chefs charismatiques, leur fascination pour les utopies technologiques, mais aussi leur dénonciation du "wokisme" et de la "repentance", ainsi que leur haine envers un Ennemi Absolu qui aurait pénétré dans le grand corps du Peuple pour le détruire.
Bibliographie de base
-H. Arendt, Le système totalitaire, Seuil-Points
-E. Laclau, La raison populiste, Seuil
-C. Lefort, L'invention démocratique, Seuil-Points
-C. Mouffe et I. Errejon, Construire un peuple - Cerf
-M. Revault d'Allonnes, Pourquoi nous n'aimons pas la démocratie ? - Seuil
La crise sans fin - Seuil
-J. Rogozinski, Inhospitalité - Cerf
-P. Rosanvallon, Le siècle du populisme, Seuil-Points
-E. Traverso, Les nouveaux visages du fascisme, Textuel