Journée d'étude franco-allemande : Nietzsche - Critique / Nietzsche - Kritik

Le 14 février 2020
De 09h00 à 17h30
Salle B 314, PEGE, Strasbourg

Le 14 février 2020

Argumentaire : La philosophie de Nietzsche a longtemps servi de critère pour démarquer deux grands paradigmes de la théorie critique contemporaine : d’un côté les pensées poststructuralistes françaises d’inspiration nietzschéenne et, de l’autre, l'École de Francfort et ses héritiers allemands ouvertement suspicieux envers les dérives nietzschéennes – suivant un différend d’interprétation qui, au tournant du siècle dernier, s’est cristallisé dans la controverse entre Habermas et Foucault. Au regard d’une telle partition, la figure d’un « Nietzsche-critique » apparaît du côté francophone comme essentiellement émancipatrice tandis que, du côté germanophone, elle semble sinon destructrice du moins largement déficitaire pour les théories critiques et sociales inspirées par Hegel et Marx, Freud et Weber. 

C’est une telle division du travail intellectuel que cette journée d’études se propose de réévaluer en investiguant à nouveaux frais la réception franco-allemande de Nietzsche aux 20ème et 21ème siècles dans le champ de la critique sociale. Son titre suggère ainsi que le questionnement puisse porter aussi bien sur le type de critique articulé par Nietzsche lui-même que sur les limites (carences sociales, dangerosité politique, etc.) de sa pensée, pour en arriver enfin aux inspirations nietzschéennes qui impulsent aujourd’hui de nouvelles formes de critique comme la critique généalogique. Posant la question transversale de savoir quel intérêt peut encore susciter la pensée nietzschéenne pour le renouvellement de la pensée critique et des théories sociologiques contemporaines tel qu’il se joue notamment dans le dialogue franco-allemand, deux prismes de lecture sont proposés.

Le premier, d’ordre méthodologique, entend interroger la fécondité du type de critique mis au jour par Nietzsche à travers la notion de « critique généalogique », laquelle nourrit aujourd’hui de nombreuses approches philosophiques, historiques et sociologiques. En prenant pour cadre de référence le débat actuel sur les différents modèles de la critique sociale en philosophie sociale (externe, interne, immanente/reconstructive, herméneutique) et en sociologie (descriptive/normative, critique/pragmatique…), il convient ici d’évaluer l’apport mais aussi les limites de la critique généalogique d’inspiration nietzschéo-foucaldienne et, en particulier, son rapport spécifique à l’histoire.

Selon un second axe socio-historique, il s’agit cette fois de questionner la relation entre la pensée nietzschéenne et la critique sociale sur un temps long en prenant en considération l’histoire franco-allemande de la critique sociale et de la question sociale. Et cela, en remontant au motif central de la Kultur chez Nietzsche, en ce qu’il a donné lieu, au tournant du 19ème siècle en Allemagne, à un vaste mouvement de pensée Kulturkritik aux contours assez flous et parallèlement contribué à l’émergence de la sociologie allemande (Tönnies, Simmel et Weber). Ce qui invite à reconsidérer les rapports entre Kulturkritik et Sozialkritik dans la pensée de Nietzsche, ainsi que leur résonnance dans des catégories sociologiques plus récentes comme celles de « critique artiste » et de « critique sociale ». Aussi cette journée se propose-t-elle de réinterroger la manière plurielle et contrastée dont un « Nietzsche-critique » s’est progressivement construit, côté germanophone et francophone, dans le but de nourrir un type de questionnement relevant de la philosophie sociale comme de la sociologie critique.

Programme
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