Journée d'études: Exercices biographiques et autobiographiques en philosophie

Le 20 mai 2021
De 09h30 à 17h00
Conférence en ligne

Argumentaire:

Que ce soit au titre d’un à-côté de l’activité conceptuelle, d’un exercice d’abord académique, comme une marge, une façon de raconter sa propre histoire ou une occasion de mettre à l’épreuve une doctrine particulière, la philosophie produit du biographique.

Premier Axe : Depuis qu’il y a des doctrines et des écoles, il y a en effet des vies de philosophes qui compilent discours et anecdotes, qui font l’exégèse d’une doctrine sur une pente plus ou moins hagiographique. Si, philosopher est aussi une « manière de vivre », on le comprend, il n’en va pas seulement d’un témoignage historique mais aussi de quelque chose qui touche à la vocation même de la sagesse. Il n’y aurait ainsi pas de bonne philosophie qui ne nous indiquerait ce qu’est une vie bonne, pas de bonne philosophie qui ne donnerait matière à des récits de vie remarquables. Mais l’exercice biographique ne se limite ni au témoignage historique, ni à la doxographie ni à l’hagiographie, il occupe une place importante dans nos recherches académiques, comme en témoignent les chapitres obligés de bon nombre d’ouvrages monographiques ou la multitude de textes qui s’y consacrent exclusivement et qui peuvent d’ailleurs être destinés à des publics variés. Raconte-t-on la vie d’un philosophe comme on raconte celle d’un écrivain, d’un artiste ou d’une personnalité publique ? Que vaut l’expression « l’homme et son œuvre » en philosophie ?  Qu’ajoute à l’exercice classique de la biographie, l’épithète « intellectuelle » ? Quelle place ces biographies occupent-elles plus particulièrement dans la recherche en histoire de la philosophie, dans la réception des œuvres ou dans les compétitions internes à notre champ disciplinaire ? Si ces débats ont eu lieu en littérature, autour de la méthode critique de Sainte-Beuve ou autour des approches résolument formalistes ou structuralistes de la seconde moitié du XXème siècle, elles semblent ne pas avoir encore eu lieu avec le même sérieux en philosophie. Est-ce parce que la vérité et les concepts ne sont pas susceptibles d’un récit, d’une histoire ou d’une disqualification ad hominem ?

Second Axe : A côté des biographies de philosophes, il faudrait également faire un sort aux biographies écrites par les philosophes. La biographie a en effet été un philosophème important de la théorie contemporaine, de la psychanalyse à l’existentialisme, en passant par l’École de Francfort et le projet d’une critique immanente des œuvres. Quelles inventions conceptuelles se découvrent dans le récit d’une vie ?  Pourquoi y a-t-il des vies qu’on raconte et d’autres vies que personne ne dit ? Qu’est-ce qui dans une vie doit recevoir un sens ou une interprétation philosophique et qu’est-ce qui doit être laissé de côté ? La philosophie est-elle à la hauteur de la vie, de ses incohérences, de sa complexité et de sa contingence ? Sans compter que les biographies contradictoires sont également le terrain de conflits idéologiques.

Troisième Axe : Par ailleurs, il est certain que les philosophes se sont souvent adonnés à l’auto-portrait, que ce soit sur le mode de la confession intime, de la méditation en première personne ou de l’autobiographie intellectuelle. Derrida a certainement perçu quelque chose de fondamental en philosophie avec le concept d’« animal autobiographique ». Et si en effet, le philosophe est un animal qui se raconte, quelle place devons-nous accorder à ces textes au sein des corpus philosophiques plus classiques ? Quels rapports à la vérité, à la sincérité ou au mensonge s’y nouent ? Ces textes sont-ils de simples à-côtés de l’œuvre, un chemin possible de la vulgarisation scientifique ou bien un mode de pensée philosophique original qui s’essaye en première personne (auto-analyse, ego-histoire, méditation) ?  

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