Soutenance de thèse

Le 15 décembre 2020

Le 15 décembre 2020

Yoann Colin soutiendra sa thèse « L’exigence de désembourgeoisement : réflexion sur la figure dans la pensée d’Emmanuel Levinas et de Vladimir Jankélévitch » sous la direction de Gérard Bensussan.

Jury :

M. Gérard Bensussan, Professeur de philosophie Émérite à l'Université de Strasbourg.
M. Joseph Cohen, Professeur de philosophie à la School of Philosophy de Dublin
M. Luc Fraisse, Professeur de littérature à l'Université de Strasbourg
Mme Sophie Nordmann, PRAG-HDR de philosophie à l'École Pratique des Hautes Études
M. François Sebbah, Professeur de philosophie à l'Université de Paris Nanterre

Résumé

Cette thèse cherche à établir comment se constitue la figure du bourgeois, discrète mais importante dans la philosophie de Levinas et Jankélévitch. La figure du bourgeois exige d’être étudiée dans sa complexité et se trouve à l’intersection de plusieurs lignes méthodiques d’investigation : l’histoire et la sociologie, bien sûr, mais également la philosophie, et se trouve également présente dans la littérature, et, quoiqu’à la marge, éclairée par des travaux d’économie ou d’anthropologie. Sa définition pose un problème, puisqu’elle tend à osciller entre deux pôles, une vision sociologisante qui lierait le bourgeois à sa classe, la bourgeoisie, et donc à son comportement, en particulier dans le champ social, et une vision plus large dans laquelle le bourgeois est davantage un esprit, l’esprit bourgeois, c’est-à-dire davantage un regard porté sur le monde et sur les autres. Ces deux approches ne se recoupant pas toujours nécessairement. On s’intéresse à la représentation du bourgeois dans la philosophie, la littérature et chez certains penseurs du judaïsme qui ont eu une grande influence sur la pensée de Levinas et Jankélévitch.

Dans un second moment, on procède à l’étude de leurs écrits pour comprendre quel rôle joue la figure du bourgeois dans la stratégie argumentative des auteurs, à quelles autres figures elle s’oppose et dans quelle mesure elle joue le rôle de contre-modèle de l’éthique que construisent ces philosophes, éthiques qui viseraient une forme de désembourgeoisement. Ainsi, de nombreux points communs font se ressembler les figures du bourgeois jankélévitchienne et lévinassienne. Dans les deux constructions théoriques, le bourgeois est tellement égoïste qu’il est incapable d’un amour sincère et authentique et c’est son plus grand tort, à la fois ce qui l’empêche de vivre une existence épanouissante et d’accomplir sa vocation morale. Il vit dans un monde dominé par l’argent, et dont il partage allègrement les valeurs, à commencer par la suprématie des « affaires » obsession et prétexte pour réduire son existence à la sphère économique et sociale – et échapper aux devoirs éthiques qui lui incombent. Chez Levinas comme chez Jankélévitch, si le bourgeois peut accorder de l’importance à la morale, il est celui qui veut ne pas se sentir concerné par l’éthique, puisqu’il témoigne d’une paradoxale bonne conscience. S’il peut se sentir concerné par la morale, c’est qu’elle est la fixation d’un contenu d’obligations qui peuvent lui être profitables, et qui peuvent être extériorisées. Le bourgeois est ainsi capable de tout ce qui peut avoir l’aspect de la bienveillance ou de la charité, mais n’est pas mu par ce qui en conditionne la dimension éthique : le désintéressement.

Dans un dernier moment, on envisage les conséquences sociopolitiques qu’on peut tenter de tirer de la présence de cette figure du bourgeois et de cette exigence de désembourgeoisement. Levinas et Jankélévitch s’accordent ainsi sur l’exigence de ne pas laisser la politique à elle-même et la nécessité d’une forme d’influence de l’éthique sur la politique, sans arriver à rendre ces deux sphères parfaitement commensurables entre elles et les conséquences que cela engendre sur le rapport à la loi et au droit ainsi que sur la réflexion sur l’État.